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[Interview] : « Le rôle du commercial est essentiel »

Dans cette interview, Serge Camguilhem, ancien directeur commercial, explique comment revaloriser l'image du métier de commercial.
06/06/20238 mins
Par Hugo Messina
Serge Camguilhem explique comment revaloriser le métier de commercial

Avec plus de 51 000 projets de recrutement en 2023, le métier de commercial semble offrir de belles perspectives d’emploi. Pourtant, selon une étude menée par Pôle emploi*, presque 50 % des chefs d’entreprises affirment connaître des difficultés de recrutement à ce poste. L’ombre d’une pénurie de recrutement plane donc sur cette profession. Image dévalorisée, déficit de formation ou méconnaissance du métier… Plusieurs raisons expliquent ce manque d’intérêt. 

Pour Serge Camguilhem, ancien directeur commercial, le poste de commercial regorge d’avantages plus que d’inconvénients. Désormais à la tête du cabinet Alteem, spécialisé en stratégie commerciale, cet expert nous éclaire sur l’attractivité du métier de commercial.

*Source : enquête BMO 2023, Pôle emploi.

L’interview de Serge Camguilhem, ancien directeur commercial et gérant du cabinet Alteem

  • Le manque de candidats est-il dû à un déficit de formation des commerciaux ?

Serge Camguilhem : « Force est de constater que les programmes de formation ont évolué mais pas toujours de la bonne façon à mon sens. La fonction vente, au sens large du terme, a été diluée par l’ajout d’autres matières et compétences à acquérir. Ainsi, de nouveaux  modules, tels que le marketing digital, ont pris des heures, déjà insuffisantes, sur le temps d’apprentissage en vente, négociation et gestion de la relation client.

Le problème de la formation est assez compliqué à régler. Tout commence par une meilleure adaptation des programmes. Comme je l’ai dit, je déplore une place de plus en plus importante des outils numériques. Comprendre et savoir mettre en œuvre un tunnel de vente digital, capter des leads ou gérer un réseau de prescripteurs - sur Linkedin - est important. Mais ces compétences ne doivent pas venir en substitution des fondamentaux de la vente, comme l’écoute, la compréhension ou encore savoir se présenter, mettre en avant l’entreprise et poser une argumentation ciblée sur les attentes du client. 

Sans la relation humaine, il y a moins de compréhension du client et de ses besoins. Ce savoir permet d’apporter une solution adaptée en toute circonstance. Petit à petit, on forme des commerciaux qui sont plutôt dans la sédentarité. Dans cette posture, ils pensent qu’il suffit d’avoir la capacité d’entrer en relation avec un prospect pour décrocher des commandes. La réalité est bien différente.

Les commerciaux que je rencontre chaque semaine manquent cruellement de formation. Certains parce qu’ils n’ont pas suivi de cursus de formation commerciale, parce qu’ils ont suivi une formation généraliste, ou qu’ils ont été formés en interne par un responsable commercial qui lui-même n’a pas toujours les compétences. L’effet domino devient catastrophique. 

Pour la formation initiale, il existe encore dans certains cursus cet aspect de la gestion de la relation client. En revanche, plus on avance, plus on oublie ces formations. En fin de compte, c’est une sorte de syndrôme de Peters : plus j’avance dans mes études, plus je m’éloigne de la vente ! »

  • Le métier de commercial est considéré comme très prenant, est-ce un mythe ou une réalité ?

Serge Camguilhem : « C’est totalement faux ! Cette idée est construite sur une vision passéiste, où on imagine le commercial comme un « Jean-Claude Convenant » (personnage d’un cadre commercial dans une série télévisée, ndlr) très stéréotypé, toujours sur la route, en déplacement. 

Bien entendu, il y a des contraintes d’emploi du temps en fonction de vos responsabilités. Quand j’étais directeur commercial et marketing et que je m’occupais de plusieurs pays, je devais voyager deux à trois fois par semaine. Mais tout cela reste lié au poste et au nombre de clients que je devais gérer. 

Dans la plupart des cas, le commercial a des horaires tout à fait normaux, dits « de bureau ». C’est une carrière tout à fait compatible avec sa vie personnelle. Évidemment, il faut apprendre à s’organiser, définir ses objectifs et rythmer correctement sa journée de travail.

La seule limite est de s’adapter aux clients, notamment aux particuliers. Il faut alors être disponible dès que les personnes le sont. Par exemple, je ne peux pas rencontrer un restaurateur entre 11 et 15 heures. Mis à part ce point, de plus en plus de chefs d’entreprise tendent à laisser plus de liberté d’organisation aux commerciaux, en se calquant sur le modèle américain. »

  • Les candidats potentiels pensent aussi que les évolutions professionnelles sont difficiles, est-ce vrai ?

Serge Camguilhem : « Non plus ! Accéder à de fortes opportunités professionnelles est un autre avantage de cette carrière. N’imaginez pas qu’un commercial reste au même poste. Tout l’intérêt du travail porte sur le mérite, en fonction de votre implication, votre expertise et vos résultats. Bien sûr, il faut être combatif et avoir envie de progresser.

Les opportunités professionnelles sont crantées, c’est-à-dire très larges. Elles vont d’un poste de commercial sédentaire ou itinérant, jusqu’à un poste de direction générale. Il n’y a pas vraiment de limites. 

J’ai été dans ce cas il y a quelques années, et je constate encore ce schéma depuis que je dirige mon cabinet de conseil. Concrètement, un bon responsable de secteur obtient plus de clients ou des portefeuilles grands comptes, dès que ses résultats sont bons. Une montée en compétence se met en place et crée de nouvelles responsabilités. Si on est performant, on atteint assez rapidement un poste à plus forts enjeux, comme responsable des ventes ou responsable du développement commercial. La fonction de directeur commercial permet même d’intégrer une partie de stratégie. »

  • Selon vous, comment redonner de l’attractivité au métier de commercial ?

Serge Camguilhem : « Tout d’abord, il faut miser sur la revalorisation du métier. Il est nécessaire de rappeler et détailler le rôle et les enjeux du commercial. Sans lui pas de chiffre d’affaires… et sans chiffre d’affaires, pas de développement d’entreprise ! 

Nombreux pensent encore que pour être un bon vendeur il faut être empathique, hâbleur, un peu malin - pour ne pas dire filou - et connaître un peu ses produits. Rares sont ceux qui me disent aimer leur métier car ils se considèrent être des apporteurs de solutions pour leurs clients. C’est pourtant un prérequis essentiel.

Ensuite, il faut rendre la filière commerciale attrayante. Pour lui redonner la place qu’elle doit avoir, il faut mieux la présenter, mieux communiquer sur ses différents métiers. 

Par exemple, on pourrait développer des programmes plus orientés sur la négociation et la gestion de la relation client afin de construire des commerciaux bien plus opérationnels dès leur immersion dans l’entreprise. La dernière campagne de communication des Dirigeants Commerciaux de France (DCF) était assez intéressante et nécessaire à cet égard. »

  • Face à cet enjeu de recrutement, quels avantages du métier de commercial mettre en avant ?

Serge Camguilhem : « Ils sont nombreux et je me permets d’en énumérer les principaux : 

  • Avoir une vision apprenante à 360°. En connaissant parfaitement votre entreprise et en étant immergé dans le quotidien des clients, vous apprenez chaque jour. Vous cumulez expériences et connaissances pour être progressivement plus performant. Un bon commercial sait souvent beaucoup de choses et tient aisément nombre de conversations.
  • Être l’image de la société. Le commercial devient ambassadeur de l’entreprise et de la marque. Vous êtes un messager pour l’entreprise que vous représentez.
  • Avoir une organisation flexible. La liberté est également un point non négligeable. Assez souvent, si vous atteignez vos objectifs, on vous laissera de la souplesse dans votre organisation.
  • Bénéficier directement des fruits de son travail. Votre travail est en lien direct avec votre rémunération. Nombreuses sont les organisations dans lesquelles votre salaire et vos avantages dépendent de multiples facteurs internes et externes. Dans la vente, votre salaire est en plus ou moins grande partie lié à vos résultats. 
  • Travailler dans un environnement varié. Les prérequis et les fondamentaux de base sont les mêmes. Par exemple, on peut travailler dans l’aéronautique avec un profil d’ingénieur mais aussi dans la grande distribution avec une forte partie de négociations. Au contraire, on peut se spécialiser dans la vente aux particuliers, avec de nouvelles compétences. C’est très ouvert et il ne faut pas se bloquer avec des préjugés et des craintes sur ses capacités. Je constate de beaux résultats avec des personnes qui cherchent à comprendre, partager, discuter.

Pour moi, la plus belle image est l’effet gratifiant que vous renvoie votre client lorsque vous avez pu l’aider, le conseiller avec justesse. Un merci et un sourire sont des moteurs de motivation inégalables. C’est encore mon cas. En ayant officié pendant plusieurs dizaines d’années sur des postes  de direction commerciale et marketing au sein de grands groupes internationaux et après 19 années en tant que consultant en stratégie de développement des entreprises, ce sont toujours mes deux plus grands facteurs de satisfaction. »

  • Pour conclure, quel est le profil d’un bon commercial ?

Serge Camguilhem : « La fonction commerciale, comme la gestion de la relation client, devraient être au centre des préoccupations de tout manager. Il faut donc attendre du commercial non pas seulement l’atteinte d’un chiffre d’affaires et d’une marge mais aller bien au-delà. Il est souvent la première personne physique visible de l’entreprise. Son premier ambassadeur

À ce titre, il doit savoir parler de l’entreprise, des valeurs à son positionnement, en passant bien sûr par ses produits, ses services, sa stratégie de développement ou son engagement qualité. Il doit aussi connaître ses concurrents, comprendre les tendances de son marché, être réactif et même imaginatif. 

La performance du bon commercial est liée, pour moi, au savoir-être. Capacité d’adaptation, attitude, sens de la communication, écoute active ou empathie constructive sont des qualités primordiales. Certaines peuvent être innées mais la majorité s’apprennent. Lors des conférences qu’il m’arrive d’animer, j’aime à rappeler que les plus grands champions ont parfois certaines qualités physiques ou mentales supérieures mais tous vous parlent de travail. Vous l’avez compris, le rôle du commercial est essentiel, ses compétences multiples et son savoir-être essentiel. »

À retenir de cette interview

En chiffres : 

  • 51 300 projets de recrutement en 2023, en France
  • 49,5 % des recruteurs déclarent rencontrer des difficultés de recrutement
  • 109 000 postes de cadres commerciaux seront créés d’ici 2030
  • 144 000 postes de cadres commerciaux seraient non-pourvus par les jeunes d’ici 2030

En résumé sur le métier (porteur) de commercial : 

Le secteur professionnel du commerce et de la vente souffre aujourd’hui d’un manque d’attractivité. Une formation inadaptée des jeunes mais aussi des stéréotypes récurrents contribuent à dévaloriser l’image du métier de commercial. 

Cependant, de nombreux avantages doivent être mis en lumière pour dynamiser le recrutement de commerciaux : 

  • Un salaire attractif et évolutif
  • D'importantes perspectives d’évolution professionnelle
  • Un environnement de travail varié
  • Une organisation flexible
  • Un apprentissage continu

Qui est Serge Camguilhem ? CV et formation express

Serge Camguilhem est un expert référent dans le domaine du commerce et de la vente. Après plus de 18 ans consacrés à des fonctions commerciales opérationnelles (organisation et déploiement commercial, développement des ventes, optimisation des points de vente, etc.), il dirige aujourd’hui le cabinet Alteem, spécialisé dans les stratégies de développement commercial et marketing. 

Voici une présentation de son parcours professionnel : 

  • Directeur commercial - Honeywell USA (1993 - 1998)
  • Directeur commercial et marketing Europe du Sud - Bata (1998 - 2002)
  • Directeur commercial et marketing Europe du Sud - Helly Hansen (2002 - 2008)
  • Gérant du cabinet Alteem (2007 - aujourd’hui)
  • Ambassadeur du Réseau Métiers de la Région Nouvelle-Aquitaine (2021 - aujourd’hui)

 

Merci à Serge Camguilhem pour cette interview et ses pistes pour améliorer l’attractivité du métier de commercial en France !

 

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Hugo MessinaRédacteur de contenus

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